Strasbourg,
16 Novembre 2005,
Intervention
en plénière sur l'exportation d'armes
Rapport
de Monsieur Raül Romeva, eurodéputé du
Groupe des Verts/ALE sur la mise en œuvre par le Conseil
du Code de Conduite sur l'exportation d'armes
Cher(e)s
collègues,
J'ai bien peur de devoir commencer
par regretter que nous débattions de ce sujet à
une heure aussi tardive et sans que le Conseil soit présent,
alors que celui-ci devait l'être. Le rapport dont j'ai
honneur d'être le rapporteur pour la deuxième
année consécutive étant justement une
évaluation de l'action du Conseil, l'absence de ce
dernier est particulièrement significative. Toutefois,
j'ai appris que cette absence était due au changement
d'ordre du jour effectué jeudi dernier sans raison
apparente : ce débat devait avoir lieu dans l'après-midi
et a été reporté à la nuit. Par
conséquent, c'est au Bureau du Parlement que je souhaite
adresser mes regrets, pour avoir entrepris cette modification
qui empêche la tenue d'un débat qui, en plus
d'être très opportun, intéresse une grande
partie de nos citoyens.
Le fait est que vendre des
armes n'est pas la même chose que vendre des
réfrigérateurs, des chemises ou des jeux
d'ordinateur. Les conséquences d'une vente d'armes
massive et désorganisée peuvent être
désastreuses, déjà parce que ces armes
sont effectivement utilisées (chaque minute, une
personne est victime d'une arme à feu), et aussi parce
que leur achat se fait au détriment d'autres
investissements bien plus utiles au développement
économique et social. En outre, l'achat d'armes peut
avoir un effet déstabilisateur à l'échelle
régionale, dans la mesure où cela peut amener les
pays voisins à se sentir menacés et, pour cette
raison, à vouloir eux aussi posséder des armes
pour se défendre le cas échéant. Par
conséquent, au vu de toutes ces particularités,
la transparence et le contrôle de cette pratique
commerciale semblent plus que nécessaires.
L'Institut
Suédois de Recherche pour la Paix (SIPRI) a estimé
qu'au cours de l'année 2003, le commerce international
d'armement a représenté entre 34 000 et 43 000
millions de dollars. L'Institut montre du doigt plus
particulièrement le Royaume-Uni, la France, l'Italie et
l'Allemagne, responsables à eux quatre de 25% des
exportations mondiales d'armes en 2003, et qui ont gagné
7 200 millions de dollars par ce biais. Durant cette même
année 2003, les gouvernements des États membres
ont accordé des licences d'exportation d'armes pour une
valeur supérieure à 28 000 millions d'euro, et
ont finalement exporté pour une valeur supérieure
à 3 200 millions. C'est-à-dire un tiers du
commerce mondial d'armes conventionnelles. Autrement dit, nous
avons une responsabilité énorme.
Parmi
les principaux importateurs se détachent très
nettement la Chine (14% des importations mondiales) et l'Inde
(10%).
Le Code de Conduite sur l'exportation d'armes,
que l'UE a adopté en 1998, est depuis longtemps
insuffisant pour mener à bien une politique de contrôle
efficace sur ce type d'exportations, et sa révision est
de plus en plus urgente, surtout depuis que l'Union s'est
élargie à 25 et bientôt 27 États
membres.
Pour cette raison, la Commission AFET insiste
dans son rapport – qui, nous l'espérons, sera
ratifié en plénière – sur la
nécessité de renforcer le Code de Conduite et de
le transformer en Position Commune et, par conséquent,
en outil juridiquement contraignant. L'AFET demande aussi que
les transferts de capacités de production soient soumis
au Code, et que des mécanismes de surveillance spéciale
soient mis en place pour les cas où il est décidé
de lever un embargo sur les armes. Cependant, dans le cas
précis de l'embargo sur les ventes d'armes à la
Chine, le rapport considère que toutes les conditions ne
sont pas encore réunies pour le lever, et qu'en le
faisant nous enverrions un message clairement erroné.
Il convient tout de même de préciser que
d'après certaines sources du Conseil, celui-ci serait
favorable à l'idée de réviser le Code et
de le transformer en Position Commune. Toutefois, cette
révision était déjà prévue
pour décembre 2004, sous présidence néerlandaise.
L'année 2005 se termine, et pour l'instant nous ne
disposons que de belles déclarations d'intention et d'un
début de projet qui, il faut le dire, va dans le bon
sens.
Pour cette raison, j'insiste sur le fait que ce
débat était une bonne occasion pour que le
Conseil expose ses propositions, d'autant plus que la
présidence britannique est, il me semble, très
concernée par cette question.
Pour finir, j'en
profite pour manifester ici ma surprise devant le fait que la
question des armes légères ne fasse pas partie
des priorités de la prochaine présidence
autrichienne. J'ai déjà adressé un
courrier à la présidence pour lui demander de
rectifier cette absence regrettable, et pour lui rappeler que
le Conseil lui-même s'est engagé au début
de ce trimestre à avancer en faveur d'un Traité
International sur les Armes. Je souhaite rappeler que ce
dernier est demandé depuis des années par de
nombreuses ONG et des millions de personnes dans le cadre de la
Campagne Armes Sous Contrôle. Et le fait est que, sur
cette question, il n'y a pas une minute à perdre.